Compositeur de musiques électroacoustiques, d’opéras ou d’oratorios, fondateur du mouvement "sensationniste", cinéaste, enseignant, André Almuró s’est éteint le 17 juin dernier à Ivry à l’âge de 82 ans. Nous lui consacrions une séance en décembre 2007 "André Almuró, une cinégraphie homosexuelle radicale", qui fut la dernière présentation publique de ses films.
Né en 1927 et après de premières recherches sonores à partir de 1947, André Almuró devient producteur de radio à la Radiodiffusion française (RDF) en 1950. Il adapte pour la radio des textes de Jean Cocteau, Pablo Picasso, Eugène Ionesco, Jean Genet, Julien Gracq, Jules Supervielle et compose la musique du ballet "Fièvre de marbre" de Maurice Béjart. En 1957, année où il rencontre le jeune Pierre Clémenti dont il fût un temps le Pygmalion, il intègre le Groupe de recherches musicales de la RTF. À partir de 1973, il enseigne à l’Université Paris I Sorbonne. En 1976, il présente sa première action performance Partition avec Ange Leccia; fonde le groupe Son-Image-Corps avec ses étudiants. En 1978, il réalise son premier film, Cortège (musique de Ph. Jubard), qui sera suivi par plus de 30 autres et s’oriente très vite vers un cinéma qu’il qualifiera d’haptique. En 2002, il publie "L’oeil Pinéal, Pour une cinégraphie" aux éditions Paris-Expérimental.
Inventeur avec Jean-Luc Guionnet d’un cinéma haptique, cinéma du toucher, où la caméra non plus guidée par l’oil mais par le bras seul des actants – à la fois filmeurs et filmés – pénétrait au coeur des corps et des agencements de son désir, le cinéma en super 8 d’André Almuró constituait certainement l’une des recherches les plus abouties d’un langage cinématographique "spécifiquement homosexuel". Ses films qu’il réalisait depuis 1978, dans le miroitement de la minéralité des peaux, dans le frémissement sculptural de la rencontre, offraient une expérience unique de vision organique. André Almuró disait peindre, à partir du corps le plus subjectif, caméra au poing (au sens littéral), des « paysages affectifs », et mettre à nu des intensités émanant directement d’interventions corporelles. Son cinéma haptique rendait compte d’un mode de connaissance cinesthésique du monde, le tournage constituant une épreuve de transformation du filmeur. « Ce qui est fait devient ce qui arrive ». André Almuró envisageait le geste filmique en termes d’événement, d’avoir-lieu.
De même, il tenait à l’expérience singulière de la projection. La précarité de ses films, celle-là même de la fragilité et de l’unicité du support super 8, conférait à leur projection, à chaque fois en présence du réalisateur, une dimension rare.
Bien qu’André Almuro ait maintes fois exprimé l’idée que son œuvre cinématographique dût disparaître avec son auteur, il a néanmoins souhaité que celle-ci fût conservée et pût être projetée dans le même esprit que de son vivant, ceci, afin de respecter sa démarche et sa pensée. Il a confié à Philippe Jubard qui a été son ami pendant plus de trente ans, désormais dépositaire légal de son œuvre, le soin d’exécuter ses dernières volontés.
Kantuta Quiros & Aliocha Imhoff