23/24 octobre 2014,
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes,
Conférence de Kantuta Quiros & Aliocha Imhoff, dans le cadre des Journées d’étude, Penser depuis la frontière (dir.) Emmanuelle Chérel et Laurent Devisme, laboratoire Langages, Actions urbaines, Altérité de l’Ecole Nationale d’Architecture de Nantes en partenariat avec l’Ecole Supérieure des Beaux Arts de Nantes
Penser depuis la frontière
Séminaire de recherche, 23 et 24 Octobre 2014, LAUA – Ecole Nationale d’architecture- Ecole des Beaux Arts de Nantes
Ce nouvel axe de recherche « Frontières, Spatialités, Art » initie une dynamique pluridisciplinaire autour de la notion de frontière soutenue par la mise en place d’un espace de travail commun entre le LAUA et des enseignants-chercheurs de l’école des Beaux Arts de Nantes. Il est notamment induit par le fait que de nombreuses disciplines -ethnographie, sociologie, géographie, histoire – sont investies par les pratiques artistiques contemporaines. Dans leurs dernières redéfinitions épistémologiques, ces domaines scientifiques s’interrogent également sur leur lien à la subjectivité, à la fiction et leur recours à des démarches d’investigation empruntant des outils de l’art. Ces redéfinitions, ces ouvertures frontalières, sont à étudier.
Située au cœur des grandes mutations contemporaines, la frontière est un objet complexe. Elle est appréhendée ici comme sujet et méthode.
Qu’est-ce qui fait frontière ? Tout d’abord, la frontière est un « construit » politique dont les formes matérielles peuvent être diverses (tout autant une montagne, un fleuve qu’une muraille). Elle est aussi considérée comme vivante, plus ou moins étanche, plus ou moins stable. Pour ses observateurs, et de façon générale, la frontière est à la fois une ligne (qui sépare et créée de la discontinuité) tout en étant une zone de contacts (permettant toutes sortes d’échanges symboliques, matériels, pacifiques ou violents). Née de préoccupations essentiellement politiques et stratégiques, l’étude des frontières s’est constituée scientifiquement au XIXe siècle avant de connaître un profond changement : de ligne, la frontière est devenue zone ; de physique, elle est devenue culturelle. Ces approches renouvelées des frontières et des zones frontalières se nourrissent avec fécondité de travaux issus de disciplines diverses. De nos jours, les délimitations géographiques, nationales et politiques sont sans cesse questionnées et ébranlées, sujettes à l’accélération de la mobilité, aux mouvements de population (tourisme, migrations, mobilité professionnelle), à la circulation financière, aux échanges commerciaux, tout comme aux mobilités virtuelles via internet, aux déplacements des images, des informations ; ces phénomènes sont induits par la mondialisation, la globalisation et l’urbanisation. Toutefois, la suppression de certaines frontières ne se fait pas sans l’apparition de nouvelles délimitations et séparations (sédentarité forcée, replis communautaires, nationaux, ethniques). D’autres discontinuités surgissent. Sous l’effet de divers champs de force comme l’essor religieux, les logiques économiques dominantes, les systèmes politiques, les conflits armés, les croisements culturels, l’histoire, la topographie, le réchauffement de la planète et les enjeux écologiques, les frontières se redéployent. Tour à tour déniées, réaffirmées, redessinées par les mouvements constants des limites linguistiques, culturelles, politiques, elles sont sans cesse en mutation et témoignent de l’inachèvement du monde et de ses transformations.
Dans son article intitulé « Qu’est ce qu’une frontière ?1 », le philosophe Etienne Balibar écrit : « L’idée d’une définition simple de ce qu’est une «frontière » est absurde par définition : car tracer une frontière c’est précisément définir un territoire, le délimiter et ainsi enregistrer son identité ou la lui conférer. Mais réciproquement définir, identifier en général ce n’est rien d’autre que tracer une frontière, assigner des bornes (en grec horos, en latin finis ou terminus, en allemand Grenze, en anglais border, etc.). Le théoricien qui veut définir ce qu’est une frontière est au rouet, car la représentation même de la frontière est la condition de toute définition ». Il tente tout de même d’approcher la notion en désignant quatre caractéristiques : surdétermination, polysémie, hétérogénéité et ubiquité. Les frontières sont des zones où s’intensifient les incompréhensions et les distances socioculturelles, car elles délimitent, encadrent, incluent autant qu’elles excluent. Devant la pluralité des situations et expériences frontalières, il faut éviter les réductions forcées et simplistes. Une frontière se dessine où s’active une tension entre des logiques antagonistes, et souvent au-delà des démarcations territoriales officielles. Elle ne se trouve pas forcément là où on l’attend. L’appréciation juste de la place des frontières suppose la prise en compte de bien d’autres considérations que la seule limitation volontaire du franchissement d’une ligne imaginaire tracée au sol. L’anthropologue James Clifford a par exemple examiné une série de lieux où la culture est en transition – des lieux qu’il nomme « zones de frontières »2. Il trouve ainsi des cultures en collision et changeantes aussi bien dans un musée d’art que dans des ruines mayas ou le métro de New York et les espaces urbains. Arjun Appadurai s’est quant à lui penché sur ces phénomènes à travers la notion d’ethnoscape3.
Les approches postmodernes en géographie, nourries par les Cultural Studies, Gender Studies, Postcolonial Studies permettent notamment de reconsidérer nos relations à l’espace et au temps, de même que certains travaux artistiques. Il paraît tout à la fois important de revenir sur la complexité historique de cette notion, de poursuivre les descriptions phénoménologiques, les discussions juridiques, les nombreuses facettes et réalités de ces zones spatio-temporelles (pratiques ordinaires, adaptations et inventions transfrontalières, violences, etc.). Bref, il s’agit de redéfinir les pratiques et les savoirs, et d’investir ces lignes, zones, bandes de séparation et de contact ou de confrontation, barrages ou passages, fixes ou mobiles, continus ou discontinus, extérieurs et intérieurs.
Emmanuelle Chérel, Laurent Devisme
Journée du 23 octobre 2014
Séminaire interne : rencontres et de partages. Chaque participant présentera ses intentions et pistes de travail avec Laurent Devisme, Amélie Nicolas, Elisabeth Pasquier, Véronique Terrier Hermann, Christiane Cavelin Carlut, Kantuta Quiros, Aliocha Imhoff, Emmanuelle Chérel, Marie-Paule Halgand.
Journée du 24 octobre 2014 (ouverte à tous les étudiants des 2 écoles)
Conférences
ouverture : 10H Ouverture de la journée Emmanuelle Chérel
10H15-11HOO La frontière coréenne : méta-frontière de la guerre froide ou front pionnier de la péninsule Valérie Gelezeau, Géographe
11H-11H45 Augustin Gimmel, artiste, à propos du film Terres vaines (2012)
discussions-échanges
après midi
14h-14h45 Anne Laure Amilhat Szary, géographe, Art-Sciences : du grand écart à la culbute indisciplinés : mes frontières créatives de géographe en quête d’art contemporain.
14h45-15h30 Françoise Vergès, politologue, Frontières d’une mélancolie postcoloniale.
15h30-16h15 Kantuta Quiros & Aliocha Imhoff, théoriciens et curateurs,
Hétéroglossies des savoirs frontières
Discussions
17h Synthèse et mise en perspective
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes
6 Quai François Mitterrand, 44000 Nantes
02 40 16 01 21
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