Bidhan Jacobs est doctorant en cinéma à Paris 1 et cinéaste.
Ce texte est paru dans la Gazette du Festival des Cinémas Différents de Paris, à propos de notre programmation Carte Blanche "Politiques de la marche".
Le Peuple qui manque : La Politique de la marche
belle et prodigieuse programmation
comme une seule œuvre d’une puissance rare
reconfigurant le réel par grands bouleversements
des perceptions et des connaissances
non la marche n’est pas un thème mais
une notion labile comme la nitroglycérine
un catalyseur d’infinies possibilités
« La Politique de la marche » est une explosion
monstres, hybrides, communauté ou collectif
plus sensibles que le commun des mortels
provoquent interrogent s’indignent ou s’exclament
nous prennent à témoin de l’ignominie globale
et je me sens la gorge étreint de désespoir
et je crois mourir un instant
mais mon cœur de battre plus fort
par l’art
nous saurons
nous dépasser
vois cette danse macabre à l’esprit de vengeance,
allégorie ricanante que Jérôme Bosch aurait envié
synthèse critique et historique de ce qui anime les foules
réglées au cordeau de la religion, de l’armée,
de la commémoration, du pouvoir absolu et de la révolution
être solitaire en marge et unique a du bon
vois cette créature de lumière
ceint d’un chandelier étincelant
dont le corps sublime se meut au ralenti
dans des postures graciles apaisées mystiques
tel un dieu oublié revenu vers sa progéniture
en souffrance dans un bidonville
massacré à coup de barre
pour figer le temps
vois ces processions mélancoliques
de gays mortifiés par un mal
épouvantable
la fin du monde est bientôt là
les signes sont partout visibles
mais dans l’obscurité qui recouvre le monde
la mort ne nous emportera pas
vois ces hommes nouveaux
à peine remis de leur transformation
lever l’étendard et partir à l’assaut joyeux
d’une identité immense et non plus exclusive
la noblesse du genre humain
vois le meilleur de l’homme à plusieurs
la force de la déambulation
de la pensée en mouvement
parfois hésitante balbutiante
mais qui toujours circule
et qui pas à pas prend de l’ampleur
et la forme dévastatrice
d’une action
juste
vois
et alors tu entendras
cette musique irradier de toi
pourquoi n’ai-je jamais vu ces joyaux
comment vivre sans eux
grâce soit rendue
au « Peuple qui manque »
maintenant
je suis complet
Bidhan Jacobs.