Dimanche 27 Mai 2012
Musée du quai Branly
Symposium/Rencontres de 10h à 18h
Entrée libre, Auditorium
Traduction simultanée anglais/français
10h – Récits, fictions
Les réappropriations artistiques de la forme « enquête » servent souvent à opacifier la limite entre réel et fiction, sujet et objet, entre un « je » et les « autres » qui le composent. Que ce soit pour mêler les registres (autobiographie, théorie, allégorie…), subvertir les concepts d’« auteur » et d’« identité », ou requalifier des lieux de savoir désertés, le rapport à la fiction ethnographique s’écrit de bien des façons.
Modération: Sébastien Pluot, historien de l’art, curator, Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Angers
Peggy Buth, artiste, Berlin
Desire in Representation
Par le biais de médiums variés, le travail de Peggy Buth interroge les structures du pouvoir et les rapports de domination. Peggy Buth a entrepris, il y a quelques années, un ambitieux projet qui prend pour cadre le Musée de Tervuren sis dans la banlieue de Bruxelles. Successivement nommé Palais des Colonies à sa construction lors de l’Exposition Universelle en 1897, puis Musée du Congo l’année suivante, Musée du Congo Belge en 1908 et enfin Musée royal de l’Afrique centrale en 1960, celui qu’on nomme donc aujourd’hui communément Musée de Tervuren est un lieu symbolique de l’histoire coloniale belge et, plus globalement, européenne. Outre le fait qu’il soit l’un des plus grands Musées coloniaux au Monde, la spécificité de cet établissement réside dans sa scénographie offrant un point de vue pour le moins daté sur le colonialisme, et restée quasi inchangée jusqu’en 2004, début d’une ambitieuse politique de restructuration tant sur le plan spatial que conceptuel. C’est ce moment particulier qu’a choisi l’artiste allemande pour entamer ses recherches. En mêlant storytelling, anthropologie, ethnologie, sociologie et de nombreux autres champs de réflexion, Peggy Buth témoigne de la manière dont un discours historique évolue irrémédiablement au fil du temps, en fonction des évènements politiques et des prises de position officielles et propose un point de vue aussi juste que décalé sur ce sujet si sensible des relations entre l’Europe et l’Afrique, ouvrant la voie à de nombreuses nouvelles interprétations. Plus globalement, elle offre une réflexion sur la question de « l’Autre » et sa représentation dans l’histoire, et sur l’évolution permanente de nos systèmes de valeurs et de représentation. Peggy Buth est née en 1971 à Berlin, où elle vit et travaille. Elle est représentée en Allemagne par Klemm’s Gallery.
Joachim Koester, artiste, Berlin
Of Spirits and Empty Spaces
Joachim Koester est artiste, vit et travaille entre Copenhague et New York. Par-delà documentaire et fiction, son œuvre explore sous de multiples formes (les esprits, les fantômes, les traces) des phénomènes liés à l’occultisme et au rituel – autant de « fictions » où s’entremêlent perception du sujet et errements du corps. De la photographie à l’installation vidéo, une rhétorique implicite de l’enquête se dégage, à travers des stratégies de montage et de reconstitution. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions internationales, Biennale de Venise (2005), Documenta 10 de Kassel (1997), Museo Tamayo, Mexico City (2010), Kestnergesellschaft, Hanovre (2010) et en France, Frac Lorraine, Metz (2009), la Galerie, Noisy-le-Sec (2007) et Institut d’art contemporain de Villeubanne (2012).
13h – Musées, archives, exhibition
Si la partie qui voit les artistes aux prises avec le musée, pour questionner l’archive et la collection, ne date pas d’hier, celle qui se joue plus particulièrement avec le musée d’ethnographie concerne aussi bien sa fonction didactique, historiographique et politique. En écho aux réflexions des anthropologues eux-mêmes (depuis les débats qui eurent lieu dans la revue Documents de George Bataille) sur la réification des cultures et le fétichisme du « primitif », les artistes s’engagent dans des stratégies de « display » ou de contre-enquête muséologiques. Ce faisait, ils s’invitent dans les « récits de l’autre » que le musée a pu produire, notamment depuis la période coloniale où il s’est institué. Artistes, historiens de l’art et anthropologues se donneront pour objet ces stratégies complexes qui croisent l’histoire du regard et l’exhibition du savoir.
Modération: Patricia Falguières, historienne et critique d’art, EHESS
Clementine Deliss, commissaire d’exposition et directrice du Weltkulturen Museum de Francfort
Trading perceptions in a post-ethnographic museum
Clémentine Deliss est commissaire d’exposition indépendante et critique d’art. Formée à l’anthropologie ses recherches ont porté par exemple sur les liens entre érotisme et exotisme dans l’anthropologie française des années 1920. Fondatrice de la revue Metronome qui publie des écrits et des fictions d’artistes, elle dirige actuellement le Weltkulturen Museum de Francfort. Depuis le début des années 1990 on lui doit des expositions comme Lotte or the Transformation of the Object (1990); Exotic Europeans (1990); Seven Stories about Modern Art in Africa (1995). Entre 1992 et 1995 elle dirige le festival d’arts contemporains Africa95. Depuis 2003, elle dirige la Future Academy (Edinburgh College of Art) organisée en plusieurs cellules de recherche (Sénégal, Inde, Europe, Australie, E.U. et Japon).
Maureen Murphy, historienne de l’art, Université Paris I, Paris
L’invention de « l’art contemporain africain »
Historienne de l’art, Maureen Murphy a publié différents travaux sur la réception et la représentation des arts d’Afrique en Occident, sur les liens entre ces derniers et l’art moderne ainsi que sur « l’art contemporain africain ». Elle est aujourd’hui chargée de mission pour les expositions et les collections d’art du XIXe et du XXe siècle à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration à Paris. Elle a récemment publié (2009) aux presses du Réel De l’imaginaire au musée – Les arts d’Afrique à Paris et à New York (1931-2006) : une mise en perspective historique de la représentation des arts extra-occidentaux dans les musées et dans l’imaginaire occidental, un point de vue comparatif avec les Etats-Unis et une mise en lumière des liens entre arts d’Afrique et avant-garde. L’ouverture, en France, aux débats post-coloniaux développés jusqu’alors essentiellement dans les pays anglo-saxons, la création de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (2007) ou l’intérêt croissant pour l’art contemporain « africain », soulèvent autant de questions qui nécessitent d’être replacées dans l’histoire des rapports politiques, économiques, culturels et idéologiques entretenus par l’Occident avec l’Afrique. Dépassant les frontières hexagonales, cet ouvrage adopte un point de vue comparatif avec les Etats-Unis et revisite les liens entre arts d’Afrique et avant-garde. En croisant une analyse des politiques culturelles françaises et américaines avec une relecture du primitivisme et du modernisme, cet ouvrage démontre que New York ne « vola » pas seulement « l’idée d’art moderne », comme l’écrivit Serge Guilbaut, mais également celle de l’art africain.
Jennifer Gonzalez, historienne de l’art contemporain et culture visuelle, Université de Santa Cruz, Californie
Face of the Object, Skin of the Archive
Jennifer A. González est professeure associée de culture visuelle et art contemporain à l’université de Santa Cruz en Californie. Dans ses recherches elle s’intéresse notamment aux arts numériques et à la place du corps dans l’imaginaire technologique. Mais elle a plus particulièrement travaillé sur les stratégies spatiales et les techniques d’exposition que développent les artistes en investissant le musée. Ainsi dans son ouvrage récent, Subject to Display. Reframing Race in Contemporary Installation Art (2008), elle analyse les œuvres de cinq artistes évoluant aux Etats-Unis – James Luna, Fred Wilson, Amalia Mesa-Bains, Pepon Osorio, Renée Green –, critiques envers les conceptions de la race entretenues dans l’enceinte muséale ou en dehors. Elle publie également de nombreux articles dans Frieze, World Art, Diacritics, Art Journal, Bomb, des catalogues d’exposition et des ouvrages collectifs.
Benoit de L’Estoile, anthropologue, CNRS, IRI, Paris
L’art est-il la fin de la science? un défi pour les musées
Anthropologue, chargé de recherche au CNRS, Benoît de L’ Estoile a travaillé sur les mondes coloniaux et post-coloniaux, notamment sur les savoirs et les politiques de la différence. Il mène au Brésil des recherches d’anthropologie politique. Il est notamment l’auteur de Le goût des autres: De l’exposition coloniale aux arts premiers, chez Flammarion. L’anthropologue choisit le musée comme lieu privilégié d’observation des représentations collectives, savantes et profanes de l’altérité. Dans cet essai remarquablement documenté, il montre que la « mise en musée du monde en dit plus sur la cosmologie occidentale que sur les société qu’il est censé représenter ». Quel est alors le sens d’un musée des Autres dans un monde post-colonial où se redéfinissent les frontières entre le Nous et les Autres ?
Fred Wilson, artiste, New York
Fred Wilson, né dans le Bronx en 1954, poursuit depuis 1979 un travail artistique à fortes connotations historiques et sociales. Les musées du monde entier dissimulent plus ou moins consciemment différents types d’œuvres. Certaines sont probablement jugées de valeurs moindres à d’autres, passées de mode ou problématiques d’un point de vue politique ou moral. Plusieurs musées des Etats-Unis ou d’Europe ont eu le courage de faire pénétrer Fred Wilson dans leurs réserves. Il en ressort des œuvres bannies, méprisées, subissant les ségrégations du temps et des ses pouvoirs dominants. Remontées à la surface, ces œuvres mises en scène avec d’autres, plus contemporaines, peuvent espérer une réconciliation avec les vivants. L’œil de Fred Wilson est certainement orienté par son propre background. Fred Wilson a été choisi comme le représentant des États-Unis pour la Biennale de Venise en 2003. Il a exposé en solo dans de nombreux lieux, y compris au Museum of Contemporary Art de Chicago, au Fine Arts Museum of San Francisco et au Studio Museum de Harlem.