Tiers-cinéma et art politique en Amérique Latine (Années 80)
Jorge Sanjinés
Eduardo Kac / Clemente Padin / CADA
Mercredi 4 Mai 2011 – 20h30
Cinéma Le Méliès
Cette séance, consacrée aux artistes latino-américains confrontés à la répression politique et aux dernières années des dictatures militaires, durant la décennie 1980, présente le film La Nación clandestina, chef-d’œuvre du cinéaste tiers-mondiste bolivien Jorge Sanjinés ainsi qu’une série de vidéos rares d’artistes, performeurs, poètes latino-américains – l’artiste et poète brésilien Eduardo Kac, le performer et poète uruguayen Clemente Padin et le collectif d’artistes chiliens CADA.
Jorge Sanjinés – La nación clandestina (1989, 100 min)
Jorge Sanjinés a été, à partir des années 1960, un des chefs de file du mouvement du cinéma tiers-mondiste et du Nouveau Cinéma latino-américain. Né en 1936, il a étudié la philosophie en Bolivie puis le cinéma au Chili. Il est, avec le scénariste Oscar Soria, à l’origine du Groupe Ukamau, collectif qui a encouragé l’autodétermination culturelle et une expression cinématographique valorisant les cultures indigènes et la construction d’un langage cinématographique propre. Durant trente ans, Jorge Sanjinés a filmé son pays, la Bolivie. Dans toutes ses œuvres, entremêlant fiction et documentaire, le cinéaste a théorisé et construit les bases d’un cinéma révolutionnaire construit avec et pour le peuple andin. Cette aventure s’est déroulée aussi au prix d’une vie périlleuse où l’engagement de Sanjines l’a contraint à l’exil et a vu de nombreux intellectuels de sa génération disparaître dans les geôles de la dictature. Après de nombreuses années de silence, ce langage filmique trouve sa meilleure expression dans le dernier film du Groupe Ukamau, le long métrage La Nation clandestine (1989). S’interrogeant sur le rapport entre héritage culturel et désagrégation sociale, déracinement et acculturation, La Nation clandestine est aussi l’aboutissement de l’art de Sanjinés, qui nous propose un conte au climat magique et lyrique, proche du fantastique. Ce film élégiaque captive par son style de narration inhabituel. En développant le « Plan séquence intégral », comme mécanisme narratif fondé sur une conception cyclique du temps, Sanjinés propose une forme de récit inspirée des cosmogonies andines.
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Eduardo Kac, Porn poetry (1982, 5 min)
Eduardo Kac est un artiste brésilien internationalement reconnu pour ses installations interactives sur le Net et sa pratique en bio art, pour l’invention du lapin transgénique Alba, notamment. Pionnier de l’art des télécommunications pré-Internet dans les années 80, Eduardo Kac est reconnu au début des années 90 avec ses oeuvres radicales dans le domaine de la téléprésence et une pratique intense entre art et technologie. Auparavant, Eduardo Kac s’est consacré à une production poétique et performative qui a rejeté le support papier et a été conçue pour le corps en action dans la ville et l’oralité, célébrant la liberté face à la répression militaire brésilienne. Porn poetry Ipanema est une action filmée en 1982, présentée pour la première fois publiquement.
Clemente Padin, Por el Arte y la Paz (1984, 7 min)
Né en 1939, Clemente Padin vit et travaille à Montevideo, en Uruguay. Poète, performeur, théoricien, Clemente Padin est un artiste expérimental et l’un des plus grands représentants de la poésie visuelle, concrète et du Mail art. Sa démarche, issue du contexte du l’art conceptuel latino-américain et de l’activisme politique, a mêlé dans le contexte uruguayen des années 60 jusqu’à nos jours, avant-garde et engagement politique. En 1977, il a été arrêté, emprisonné et empêché de toute activité artistique.
CADA ¡Ay Sudamérica! (1981, 5 min)
CADA, no + (1983, 6 min)
Le Colectivo de Acciones de Arte (CADA) est un groupe activiste d’artistes chiliens, fondé en 1979 par les artistes Lotty Rosenfeld et Juan Castillo, le sociologue Fernando Balcells, le poète Raúl Zurita et la romancière Diamela Eltit. CADA a été un des plus importants contributeurs de l’avant-garde latino-américaine pendant les années de la dictature et utilisait la performance pour contester la dictature chilienne de Pinochet. Eradiquant la distance traditionnelle entre l’artiste et le spectateur, leurs «interventions dans la vie quotidienne» étaient destinées à interrompre et modifier les routines normalisées de la vie urbaine du citoyen, au moyen d’une subversion sémiotique qui décontextualisait et restructurait les comportements, les lieux et les signes.
Une programmation conçue et présentée par Aliocha Imhoff & Kantuta Quirós. Cette séance s’inscrit dans le prolongement de la manifestation Que faire ? Art, film, politique (11-19 décembre 2010), organisée par le peuple qui manque et qui, sous forme de symposium critique et de projections, proposait au Centre Pompidou, Palais de Tokyo et 5 centres d’art et cinémas, de revenir sur le renouveau des stratégies critiques et reconfigurations actuelles des liens entre art & politique au sein de l’art contemporain, du cinéma et de la vidéo contemporaine.